Version de Jean-Michel Caudron du 6 juillet 2013

Mon ami, notre ami, le grand militant inlassable d’une justice sociale pour tous, Jean-Louis Fontaine m’a quitté, nous a quitté, emporté par un cancer foudroyant.

Nous sommes tous choqués par ce départ rapide, car ce cancer venait d’être découvert il y a à peine 10 jours et nous nous préparions à accompagner Jean-Louis et Paule, sa compagne, pendant les quelques mois que la faculté lui annonçait comme espérance de vie.

Jeudi encore, la veille de sa mort, nous plaisantions avec Jean-Louis, les uns dans sa chambre, Laurent Giroux et le préfet Jean-Christophe Parisot, et moi par téléphone, l’accusant de nous faire de drôle de frayeur…

Mais la maladie a été plus forte que tout, la mort entraînant au passage toutes les souffrances physiques que même la morphine arrivait difficilement à calmer…

Mais jusqu’au bout Jean-Louis aura gardé son sens de l’empathie, nous rassurant, rassurant sa compagne, alors que c’était lui qui souffrait…

Car toute sa vie, il aura cherché à soulager l’autre, par ses engagements personnels de résoudre les difficultés que chacun pouvait rencontrer (entre autres comme administrateur de CCAS ou encore comme militant associatif), sans devoir le clamer sur tous les toits…

Et de cette attention à l’autre, il en a fait un combat citoyen et politique, pour l’instauration d’une justice sociale… Combat de tous les instants, sans prendre aucun repos, vu la tâche à accomplir, au-delà, sûrement, de ses forces…

A côté, puis à la suite de Jean-Christophe Parisot, au sein du Collectif des Démocrates Handicapés (In’CITU maintenant), pour que les pouvoirs publics et la société française fassent disparaître toute forme de discrimination liée à un handicap et développent une société d’inclusion pour tous (même si tu n’aimais pas complètement cette notion d’« inclusion » car une société devrait être forcément pour tous, sans devoir inclure d’aucuns). Le handicap et la fatigue nous posent des limites. Jean-Christophe n’a pu venir mais voudrait te dire ceci : « Mon vieux frère radical, tu m’as tant appris, à communier dans le respect de l’homme comme source de nos vies. Merci pour nos fous-rires, les sous-entendus complices, les projets fous, les lectures partagées, les gouffres franchis ensemble, les défis, les solitudes. Je n’ai pas envie de te dire adieu mais « au revoir citoyen ». Si Dieu est amour on se reverra car Celui qui aime les hommes doit beaucoup t’aimer. En attendant, on va travailler pour une humanité plus belle. Le flambeau, on le tient bien en main, tu sais. Salut JL. »

Avec Laurent Giroux et moi-même, pour promouvoir une convergence entre les champs du handicap et du vieillissement et faire disparaître cette inéquitable barrière d’âge des 60 ans (qui me force à plaisanter, pour marquer les esprits, en conseillant à ceux de moins de 60 ans de faire leur AVC ou commencer leur Alzheimer avant 60 ans pour bénéficier de la prestation de compensation du handicap, car, après 60 ans, l’allocation personnalisée d’autonomie leur sera d’un montant bien moindre). Grâce à la patience durable et pragmatique de Jean-Louis, grâce à notre travail quasiment 24 heures sur 24 (je me couchais souvent tard, travaillant jusqu’à 02h00 du matin, Jean-Louis se levant souvent vers 02h30, 03h00), nous avons su bâtir une vraie force de frappe citoyenne, puisque notre niouse hebdomadaire du site www.lamaisondelautonomie.com diffuse chaque semaine à plus de 46.000 adresses, pour armer chacun quant aux enjeux des champs du handicap et du vieillissement comme dans leur connaissance des bonnes pratiques des uns et des autres.

Veilleur invétéré d’alertes sociales à en oublier son propre sommeil, il se levait très tôt dans la nuit, depuis un 1,5 an, pour servir la veille électronique du CETAF (Centre d’Étude, d’Animation, de Formation et de Coordination en faveur du logement des populations en mutations économique et sociale) à l’arrivée de chacun au bureau, pour que chacun aille de suite à l’essentiel sans avoir à se farcir la lecture quotidienne du journal officiel, dans l’ensemble des domaines du social, du médicosocial, du sanitaire, de l’économie, de l’agriculture, etc. L’ensemble des administrateurs du CETAF s’associent à la peine de sa famille et de ses amis.

Depuis vendredi, Laurent, François et moi-même recevons moult messages de militants, d’élus et de professionnels en contact, pour un grand nombre d’entre eux, pluri-journalier avec Jean-Louis.

La liste des messages est trop longue pour tous les citer, mais nous le tenons à disposition de Paule pour qu’elle puisse garder en mémoire que son homme était un grand homme… Même si derrière ce grand homme il y avait une femme, une grande femme, Paule, militante aussi acharnée que Jean-Louis, qui a pu le soutenir pendant des décennies dans tous ses combats. Paule, avec Laurent, tu auras toujours notre amitié fraternelle…

Je vous invite de méditer ensemble sur les paroles du Chant des Partisans qui me semblent, dans la juste lignée du grand résistant qu’était son père, rassembler le combat de gaulliste de gauche et de l’extrême-centriste qu’était Jean-Louis, révolutionnaire sur le fond et cherchant toujours la médiation sur la forme, chercheur sempiternel, voire à outrance (souvent au-delà du raisonnable), du meilleur dans chacun d’entre nous, que nous étions proches de lui ou bien plus lointain, intolérant contre les intolérants tout en cherchant, toujours, tel Sisyphe, à les faire changer d’avis, révolté contre la misère sociale à s’y oublier soi-même…

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?

Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?

Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme.

Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.

Montez de la mine, descendez des collines, camarades !

Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.

Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !

Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite…

C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.

La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.

Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves.

Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève…

Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe.

Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.

Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.

Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute…

Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne ?

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?

Oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh…

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?

Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?

Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme.

Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.

Montez de la mine, descendez des collines, camarades !

Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.

Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !

Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite…

C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.

La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.

Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves.

Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève…

Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe.

Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.

Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.

Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute…

Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne ?

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?

Oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh…

Jean-Louis, toi qui n’aspirais jamais au repos, écoute-moi une dernière fois, pour une fois, repose, enfin, en paix…

Ne t’en fais, Jean-Louis, nous sommes là pour prendre le relais, je te le dis…, je vous le dis…, j’ai dit : tu me manques, tu nous manques, mais nous, nous sommes là pour prendre ton relais et être dignes de ton combat pour la justice sociale pour tous…

Soyons dignes de poursuivre ta volonté de renforcer le rôle de la société civile afin d’instaurer une justice sociale pour tous, en n’oubliant pas les plus fragiles, toi qui vivait le handicap dans ton corps, tout en le sublimant par la raison et l’habillant d’humour…

Jean-Louis, jamais plus tu ne me réclameras des croissants quand nous nous croisions sur la toile dès potron-minet…

Jean-Louis, le jour que tu mourais naissait mon 1er petit-enfant, Lana, une petite-fille…, Jean-Louis, la roue tourne, la vie continue…

Merci…