Sécurité du patient et contention

17.04.09 Mise à jour le 12.06.13

Source : http://www.infirmiers.com

La sécurité du patient passe par un devoir de surveillance particulièrement plus accentué en milieu gériatrique. Au nom de la sécurité du malade, de la prévention d’un éventuel risque de chute, les soignants sont ils habilités à poser des contentions au patient ?

La personne âgée bien que âgée reste un citoyen avant tout libre et bénéficiant comme tout individu de droit et notamment des droits au respect de l’intégrité corporelle, au droit d’aller et venir du droit au respect de l’autonomie et de la dignité.

A quel titre et surtout de quel droit peut on priver partiellement ou complètement la personne âgée de ses libertés ?

On serait tenter de répondre à cette question par : la prévention du risque pour la personne ou pour autrui. D’un côté, la sécurité du patient qu’il convient de protéger soit contre lui-même ou soit pour autrui et le devoir de soigner, mission fondamentale, et le respect de la personne.

La pose de contention peut alors être légitimée par le  » droit à la sécurité « . Mais existe-t-il une contention légitime ? Le principe de précaution peut il légitimer la pose de contention ?

prévention du risque et Le principe de précaution

Le principal argument mis en avant lors de la pose de contention est la sécurité du patient afin de prévenir tout risque de chute aux conséquences dommageables et importantes pour un patient âgé.

Définition du risque

Le risque se définit comme la  » théorie consistant à rechercher le fondement de la responsabilité civile dans le risque qu’une personne fait courir aux autres, risque qu’elle créée en agissant  » Dictionnaire juridique.

Un établissement qui s’occupe de personne âgée, le risque principal est la chute du patient qui peut avoir des conséquences dommageables importantes pour cette dernière (fracture, aggravation de son déséquilibre, par crainte de la chute immobilisme de la personne etc.).

Pour prévenir la réalisation du risque de chute, la pose de contention est alors décidée et est mis en avant l’argument le  » principe de précaution « .

Le principe de précaution pour prévenir la réalisation du risque

Le principe de précaution est appliqué à certaines situations caractérisées à la fois par de fortes incertitudes (risque de chute, en l’espèce) et des dommages éventuels graves et irréversibles (conséquences de la chute).

Le principe de précaution a été introduit dans le droit français par diverses lois (Loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement ; Loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité des produits défectueux).

Son application au droit médical a suscité de nombreuses discussions. Il impose aux acteurs concernés  » de s’astreindre à une action ou de s’y refuser en fonction du risque possible « , ce principe trouve son application dans des situations qui n’imposent de prudence ou de diligence qu’à l’égard des risques connus.

Les personnes qui ont en charge des personnes âgées doivent elles alors les attacher pour éviter ce risque latent mais dont on n’est pas certain qu’il va se réaliser ?

Trois questions peuvent être posées :

  • Que dit le droit sur les contentions de la personne âgée
  • Que dit l’éthique face à ce dilemme : prévention du risque et privation de liberté ?
  • Que disent les valeurs de références propres à l’établissement et au/ou service ?

La contention n’est ni interdite par la loi ni par les règles professionnelles, il n’en demeure pas moins que l’utilisation des contentions des personnes est strictement réglementée afin d’éviter tout abus.

La contention, contrairement aux idées reçues, est loin d’être un geste anodin, c’est un acte de soins.

Les conditions à la pose de contention : la sécurité du patient

L’ANAES a rendu un rapport en octobre 2000 sur  » Evaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé ; Limiter les risques de la contention physique de la personne âgée « . Dans ce rapport, il est mis en évidence que la pratique de contention est rarement formalisée or s’agissant d’un acte de soins qui de plus est de nature à priver la personnes de ses droits fondamentaux ; l’utilisation de la contention n’est légitime qu’en raison de certaines circonstances et strictement encadrée quant aux conditions.

Définition et conditions de la contention

La contention physique, dite passive, se caractérise  » par l’utilisation de tous moyens, méthodes, matériels ou vêtements qui empêchent ou limitent les capacités de mobilisation volontaire de tout ou partie du corps dans le seul but d’obtenir de la sécurité pour un patient qui présente un comportement estimé dangereux ou mal adapté « . Rapport 2000 ANAES  » Limiter les risques de contention physique de la personne âgée « .

La pose de contention doit répondre à deux intérêts : assurer la sécurité du patient et/ou de son entourage lorsqu’il existe un danger pour le patient ou son entourage. Cependant, hormis le cas de l’urgence, il n’appartient pas à l’infirmier de prendre la décision de poser des contentions à un patient.

La crainte de la chute de la personne âgée est la principale cause de pose de contention. Les principales caractéristiques des personnes placées sous contention le sont en raison d’un risque évalué eu égard à leur âge, la désorientation, dépendance fonctionnelle, agitation.

La pose de contention à une personne âgée ne peut être légitimée qu’à partir du moment où le risque existe potentiellement chez la personne. C’est la raison pour laquelle, le guide l’ANAES, précise bien  » les recommandations de pratique s’appliquent à toute personne âgée de plus de 65 ans, encore capable de se mobiliser, hospitalisé dans un service de soins ou prise en charge par une structure de type maison de retraite ou long séjour « .

La contention n’est légitime qu’à partir du moment où elle est prescrite dans l’intérêt du patient ou de celui des autres patients pour assurer leur sécurité.

 » La pratique de la contention s’explique par des raisons sécuritaires pour faire face à des périodes de grande agitation, pour permettre l’administration de soins, pour réduire les périodes de déambulation et limiter le risque de chute. A ce titre, la contention peut être considérée comme un acte de soins gériatrique.  » JJ AMYOT, A. VILLEZ.

Préalablement, à la pose de contention, il est important de faire l’analyse des bénéfices recherchés par la mise sous contention et les risques consécutifs au défaut de contention et des risques liés à la contention.

En effet, le rapport de l’ANAES mentionne les risques de décès liés à la pose de contention : strangulation, par asphyxie ou résultant de traumatismes liés à la contention.  » L’exemple de patients décédés, étranglés, par le matériel de contention alors qu’ils avaient glissé entre la barrière du lit et le matelas en tentant de descendre du lit est souvent rapporté. Malgré le manque de données épidémiologiques précises, ces évènements sont estimés responsables de 1/1 000 décès en institution pour personnes âgées. « 

Recommandations de l’ANAES sur l’utilisation des contentions

  • Evaluation des besoins, de la situation : étape préalable à la pose de contention

Le recours à la contention physique pour un sujet âgé présentant un comportement à risque est un geste de soin qui implique :

  • La connaissance des risques liés à l’immobilisation ;
  • Une évaluation régulière des besoins et des risques ;
  • un programme de soins et de surveillance individualisé.

La décision d’immobiliser une personne âgée au lit ou à son fauteuil est une décision médicale, éclairée par l’avis de l’équipe soignante. Elle ne doit être prise qu’après évaluation des risques de chutes, de déambulation, de fugue, d’agitation etc.

  • Information du patient et de la famille

La pose de contention étant un acte de soins à ce titre la décision doit être prise avec le consentement de la personne.

L’information doit porter sur les éléments suivants :

  • raisons et buts de la contention ;
  • les moyens ou matériels utilisés ;
  • la durée prévisible de la contention ;
  • la surveillance afin de rassurer la personne et éviter ainsi une sur agitation.

Les explications sont réitérées toutes les fois que cela s’avère nécessaire.

Il est également important d’informer la famille et les proches des raisons pour lesquelles la personne n’est pas attachée. Effectivement, les familles ont tendance à solliciter la pose de contention par crainte que la personne chute et se blesse. Le personnel soignant face à l’insistance de la famille voire de menaces de procès en cas de réalisation du risque finit par obtempérer et immobilise la personne âgée.

Dans ces hypothèses, il est important de prendre le temps d’expliquer à la famille que la pose de contention est un geste médical qui relève, dès lors de la seule compétence du médecin.

De plus, il convient d’attirer l’attention de la famille sur les risques de contention qui ne se limitent pas à de simples blessures mais qui peut être la cause du décès du patient par strangulation notamment. Enfin, il n’est jamais bon de procéder à l’immobilisation de la personne âgée sous la menace, ou sur simple demande de la famille, la personne âgée se sent encore plus démunie et risque de perdre goût à la vie, désintérêt de vivre.

L’obligation d’une prescription médicale pour la pose de contention

La décision de placer un patient sous contention doit au préalable faire l’objet d’une discussion avec l’ensemble de l’équipe soignante. Le médecin doit ensuite prescrire la contention qui doit être écrite, horodatée et permettre l’identification du prescripteur, les motifs, sa durée prévisible, les risques à prévenir, le programme de surveillance ainsi que le matériel de contention.

Dans l’hypothèse de l’urgence et en l’absence de médecin, cette prescription peut être faite a posteriori et confirmée dans les plus brefs délais par un médecin.

Il est à noter que la pose de contention sous quelque forme que ce soit (y compris les barrières du lit) ne peut être pratiquée sans prescription médicale. Il s’agit d’un acte médical et à ce titre la prescription est une obligation.

La pose de contention s’applique dans des cas limités aux patients présentant un danger pour eux même et pour autrui et pas seulement pour les patients en service psychiatrique. La prévention d’un risque ne signifie pas pour autant que la pose doit être systématique. C’est la raison pour laquelle l’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé dans son rapport fixe les conditions de la pose de contention. Une pose de contention injustifiée est sanctionnable car contraire au principe du respect de la dignité de la personne.

L’obligation de surveillance du patient placé sous contention : prévention du risque de blessure

Il est important qu’une surveillance écrite et programmée soit organisée à intervalles réguliers.

Les modalités de la surveillance peuvent se faire au regard des circonstances suivantes :

  • risques à gérer liés à la contention,
  • Les besoins et les risques spécifiques liés à l’état de santé du sujet âgé.

La surveillance porte également sur l’état psychologique de la personne (son ressenti et évolution de son comportement depuis la pose de contention).

Il est important de consigner dans le dossier du patient l’évolution de l’état du patient depuis son immobilisation, agitation ou serein et de préciser les heures auxquelles cette surveillance est réalisée. En effet, commet une négligence, l’infirmier ou l’aide soignant qui se limite à contrôler l’état du patient au moment de la prise de repas seulement. De plus, l’agitation ou l’état d’anxiété du patient justifie une surveillance plus régulière et systématique.

Evaluation de l’état de santé de la personne âgée et levée de la contention

Sauf cas exceptionnel, l’immobilisation de la personne âgée ne peut être que temporaire. C’est la raison pour laquelle, il est conseillé une réévaluation, au moins journalière, de la nécessité de poursuivre ou non le placement sous contention. L’évaluation est réalisée, d’une part, par l’équipe soignante et le médecin prescripteur ; et d’autre part, porte sur l’évolution de l’état de santé et sur les conséquences de la contention.

En raison de ses répercussions psychologiques pour la personne âgée, éthiquement, le fait de priver de liberté une personne de son autonomie, l’évaluation de la nécessité, les bénéfices et les risques de l’immobilisation est primordiale et doit faire partie du programme de soin de la personne placée sous contention.

En conclusion

il sera repris les consignes de l’ANAES : Comme tout processus de soins à risque, il est impératif, pour en limiter les dangers et les conséquences, d’avoir recours à la pose de contention en vue d’immobiliser la personne, le moins souvent possible, le mieux possible et le moins longtemps possible.

Bibliographie

  •  » Soigner sans risques « , Forum Diderot, collection PUF, 2002 ;
  •  » Risque, responsabilité, éthique dans les pratiques gérontologiques « , J J. AMYOY, A. VILLEZ, collection DUNOD, 2001 ;
  • Rapport 2000 ANAES  » Limiter les risques de contention physique de la personne âgée ».

Nathalie LELIEVRE
Juriste spécialisée en droit de la santé
AEU droit médical, DESS droit de la santé
Certificat d’aptitude à la Profession d’Avocat
Membre de la commission « Ethique et Douleur »
Chargée de Conférence
Membre du comité de rédaction infirmiers.com
nathalie.lelievre@infirmiers.com