Réponse de Geneviève LAROQUE à …Pierre CARO



Il y a quelques semaines nous vous avons proposé de poser des questions à Geneviève LAROQUE, Président de la Fondation Nationale de la Gérontologie






Voici donc vos questions ….et ses réponses






En terminant enfin avec Pierre CARO




de Pierre CARO















A la dernière lettre j’ai « sauté » sur mon
clavier, puis les fêtes sont arrivées…









J’ai eu le bonheur de croiser Geneviève Laroque
lorsque je préparais mon entrée en situation de retraite, après une carrière
très heureuse de quarante années dans l’exercice de plusieurs professions.









J’ai eu deux chocs








Le premier a été de découvrir comment elle
considérait sa carrière professionnelle : la gérontologie : étude de la
vieillesse et du vieillissement sous ses aspects médical, psychologique, social,
culturel…. Je venais de comprendre que la retraite et le vieillissement
formaient un couple insécable.









Le second est qu’elle a rejoint les quelques
personnes (j’ai largement suffisamment de doigts) qui nourrissent mes
engagements, la conscience de mes responsabilités, mon éthique de retraité
professionnel maintenant, la confiance en l’avenir devant mes cadets en
commençant par mes petits-enfants.









J’ai cru comprendre que c’est dans l’adversité
créée par le besoin de demeurer professionnelle face à toutes les difficultés
d’une période où tout semblait à construire en même temps qu’on ne devait pas
entreprendre n’importe quoi, avec n’importe qui, n’importe comment et n’importe
où…, qu’elle a trouvé son dynamisme, ses succès, qu’elle a su assumer, sans
doute, quelques échecs.









Il me semble qu’elle a mis les relations humaines,
les amitiés, la confiance, la qualité du travail et la nécessité d’en remettre
constamment les conditions à jour par l’apprentissage tout au long de la vie…
, dans sa caisse à outils.









Aussi j’ai envie de lui poser cette question :
Geneviève, (avec le respect et l’amitié que je vous dois) quelle caisse à
outils, quels outils y placer, où et auprès de qui apprendre leurs meilleurs
usages, afin d’entreprendre des partenariats (je n’utilise plus ni aide ni
accompagnement depuis longtemps) avec nos jeunes, mais aussi avec nos aînés, nos
classes d’âge, les personnes exclues, handicapées, celles en difficultés ou dans
la misère…, pour élaborer un projet de vie qui, malgré les difficultés
toujours possibles, participe au bonheur, à la joie, à la paix du plus grand
nombre ?









Amitiés, bon courage et très longue vie car j’ai
(et certainement de nombreux autres) besoin de vous savoir toujours en bonne
santé et vaillante.

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Réponse de Geneviève Laroque à Pierre Caro








Pierre Caro me fait beaucoup de compliments : il évoque amitié, qualité du travail, apprentissage constant et me demande quelle est ma « caisse à outils ».








Je ne sais pas si j’ai une caisse à outils ou si j’essaie d’utiliser des expériences personnelles multiples.








J’ai l’impression d’avoir et d’avoir eu beaucoup de chance et de chances ;  j’en ai saisi quelques-unes, j’en ai certainement laissé passer ou gâché d’autres mais c’est le sort de chacun d’entre nous.








Donc, premier outil : essayer de saisir les chances, occasions, possibilités qui se présentent. Essayer de les saisir veut dire essayer de les mettre en œuvre, de les utiliser, de travailler avec et autour d’elles. C’est le contraire de la passivité.








Parmi ces chances, j’ai eu, j’ai celle de m’intéresser à ce qui m’entoure : je ne sais pas quel est le criminel qui a prétendu que la curiosité était un vilain défaut : la curiosité est le moteur de tout progrès, de tout contact, de toute relation. Non pas la curiosité de regarder par les trous de serrure pour débusquer « le misérable tas de secrets 
[1]» de chacun mais celle de connaître choses, idées et gens. C’est cette insatiable curiosité du petit d’homme qui rend désirable et possible un apprentissage permanent. J’ai été marquée par cette phrase dont je ne connais pas l’origine : on n’est jamais trop jeune pour enseigner ni trop vieux pour apprendre. 








Donc, deuxième outil : garder intact le besoin d’apprendre ; besoin toujours comblé car on apprend tout le temps et besoin toujours nécessairement frustré car on n’apprend jamais qu’une toute petit part de ce qu’on voudrait (pourrait ?) ;  c’est cette frustration qui fait avancer.








Je ne sais pas si je suis une optimiste impénitente ou une pessimiste gaie : je sais, on me l’a dit, je l’ai constaté que le monde, les hommes, la société, chacun de nous, sommes, sont désespérément médiocres, mauvais, mal fait, irrécupérables. Bien. Cependant, peut-être est-ce génétique ou éducatif ou culturel ou très XIX° siècle ou  je ne sais quoi, mais je continue à croire à la possibilité de progrès d’amélioration. Amélioration de quoi ? je ne sais pas très bien mais essais-échecs-réessais- rééchecs indéfiniment recommencés et chaque fois – peut-être- un petit bout de mieux. Je ne crois plus au Grand Soir, ni aux Matins qui Chantent et j’ai peut être envie de vider ou remplir l’océan à la petite cuiller mais après tout, les petites cuillers, ça peut aller loin.








Ainsi troisième outil : « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer » mis à part qu’il faut toujours un petit bout d’espoir (et que je ne persévère pas toujours…).








Tout cela ne vaudrait rien si ce n’était soutenu par cet intérêt quasi viscéral pour les gens, les hommes( hommes et femmes évidemment…), les personnes, les individus, pas un simple intérêt de connaissance, de savoir, mais un intérêt de sentir, d’ « 
être avec »








Je dois être un « animal social » : est-ce un quatrième outil ou le sac qui les contient tous (y compris ceux que je vais emprunter aux autres ?) 








[1] Malraux