Il existe aujourd’hui une profusion de services à domicile, et encore plus de services à la personne.
Les personnes âgées, les personnes handicapées et les familles doivent, lorsqu’elles ont besoin d’aide, faire appel à ces structures. Du constat du besoin en passant par le choix de la structure, de la signature du contrat en finissant par la prestation du service en elle-même, cela peut être compliqué et long.
Pour cela ces personnes en attente d’aide peuvent faire appel à des structures comme les CLIC ou le conseil général. Mais qu’arrive-t-il lorsque les relations entre les services d’aide à domicile et le « client » se détériorent ? Qui met en place une médiation ? Qui le client contacte-t-il ?comment peut-il savoir qu’il est dans son droit ? Qui peut lui dire au contraire, en tout objectivité, qu’il est dans son tort ?
Cet article invite donc le lecteur à une réflexion sur le droit des usagers au sein d’un service à domicile et, notamment, sur la mise en place des personnes qualifiées.
Avant tout, pour une personne demandeuse d’une prestation à domicile il lui est utile de connaitre la différence entre « service à la personne » et « service à domicile ». En tant que professionnels nous connaissons tous la différence mais une personne aidée, dont ce n’est pas le quotidien, sait-elle que toutes les structures ne peuvent pas faire de la prestation auprès de personnes âgées ou handicapées ? Et comment peut-elle le savoir ?
Ces structures interviennent soit sur tout le département soit sur une zone plus ou moins bien localisée, même si l’agrément est départemental. Elles ont soit l’agrément soit l’autorisation soit….les deux. En outre certaines structures sont certifiées.
Cependant, ce n’est pas aussi simple pour la personne aidée. Il ne suffit pas, pour la personne aidée, de choisir une structure mais il y a, aussi, le mode d’intervention, à savoir l’emploi directe (si finalement elle ne décide pas de faire appel à une structure), les modes mandataire et prestataire, avec les avantages et inconvénients.
Généralement la personne aidée a déjà une idée sur le nom du service à domicile qu’elle souhaite : soit parce qu’elle avait déjà une intervenante de cette structure pour le ménage/repassage, soit les proches ont fait une « enquête » sur les tarifs ; il est dommage d’ailleurs que le critère se fasse sur les tarifs et non sur la qualité de la prestation de la structure mais, vu la conjoncture économique actuelle, nous pouvons le comprendre.
Enfin, il faut savoir que la législation n’est pas la même en mode prestataire en fonction du statut juridique du service à domicile : le code du travail pour les structures de service à domicile à but lucratif, la convention collective unique nationale de l’aide à domicile pour les structures de services à domicile à but non lucratif. Pour avoir posé la question aux « clients » de plusieurs services à domicile, nous nous apercevons que la connaissance du client sur le statut juridique du service à domicile intervenant chez lui n’est pas aussi évidente qu’on peut le penser…
Si nous consultons la législation concernant le service d’aide à domicile, le moins qu’on puisse dire est que le nombre de texte est important. En outre, une personne aidée n’est pas toujours à l’aise avec l’écrit et la lecture. On peut donc imaginer, pour une personne fragile, les difficultés pour lire et comprendre ces textes. Les professionnels eux-mêmes peuvent interpréter différemment les textes.
Cependant, ce n’est pas parce que ces textes existent que la législation est respectée par les services à domicile ou que les personnes âgées et leurs proches connaissent la législation.
En outre, la Commission des clauses abusives (CCA) a publié, le 24 avril 2012, une recommandation 12-01 visant à sécuriser les contrats de services à la personne, services à domicile, et leur relation avec le client.
Cette commission a travaillé plusieurs mois, à partir d’une centaine de contrats, de nombreuses auditions, analysées par des magistrats, juristes, représentants des consommateurs et de professionnels des services à domicile (associations, sociétés).
Cette commission recommande « la suppression des clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
La recommandation recense vingt-deux clauses à éliminer, quelle que soit l’activité réalisée au domicile et quel que soit le mode d’intervention (prestataire, mandataire ou mise à disposition de personnel). Vingt métiers ont été étudié lors de ces travaux, le soutien scolaire a pour sa part fait l’objet d’un examen spécifique (recommandation n°10-01).
Mais qui le sait actuellement parmi les personnes « clientes » ou parmi les professionnels ?
Ce que nous avons pu constater lors de conflits entre la personne âgée et la structure d’aide à domicile durant notre petite enquête sont diverses et variés :
Exemple de la structure A : Nous nous apercevons que certains documents sont inexistants ou oubliés. Ainsi dans certains livrets d’accueil ne se trouvent pas la charte des droits et libertés de la personne accueillie ou la liste des personnes qualifiées. Certaines structures m’ont fait ainsi savoir qu’ils ne fournissaient la liste des personnes qualifiées que si la personne aidée la demandait, …..encore faut il qu’elle connaisse l’existence de cette liste !
Exemple de la structure B : Cette structure ne respecte pas le choix de la personne aidée concernant le nombre d’heures d’intervention …. doublant ainsi la prestation et …la facture sous prétexte que les enfants sont d’accord (sachant aussi que la personne est autonome et que c’est la personne aidée qui a signé le contrat initial et qui paye).
Exemple de la structure C : Cet autre service qui augmente les tarifs en violation de « l’arrêté du 4 janvier 2012 relatif aux prix des prestations de certains services d’aide et d’accompagnement à domicile ».
Exemple de la structure D : Enfin, ce service qui n’hésite pas à envoyer un responsable administratif consulter les relevés bancaires pour estimer le nombre d’heures maximum que l’on peut « conseiller » à la famille sans même demander au CLIC ou l’assistante sociale du conseil général d’intervenir pour une évaluation des besoins.
Exemple autre : concernant cette fois une cliente qui est injurieuse envers l’intervenant à domicile, le considérant comme une « bonne à tout faire ».
Théoriquement si conflit il y a entre la personne aidée et le service d’aide à domicile, la personne aidée peut soit faire appel au centre local d’information et de coordination soit à une personne qualifiée désignée par le préfet et le président du conseil général.
Concernant les CLIC
Les Centres Locaux d’Information et de Coordination ont tendance à être intégré au sein des services du conseil général du département. Les CLIC couvrent actuellement pratiquement le territoire national. Ils sont souvent de niveau 3 : c’est-à-dire qu’ils offrent un panel complet de services : information, évaluation des besoins, mise en place du plan d’aide et son suivi.
Évidemment les personnes aidées peuvent directement contacter le CLIC se situant sur le secteur mais il faut savoir que toute personne aidée faisant appel à une structure d’aide à domicile ne passe pas obligatoirement par un CLIC. Par conséquent la structure « CLIC » peut lui être totalement inconnue. Enfin, même si le CLIC est interpelé il est difficile pour lui d’intervenir, voire « taper du poing sur la table » pour que le service à domicile respecte la législation car :
- Actuellement les services à domicile ont des administrateurs au sein du CA du CLIC, si celui-ci est une association,
- Les présidents de CLIC sont souvent des élus politiques (avec un risque de prise illégale d’intérêt) qui n’ont pas forcément envie « de faire de vagues », les structures d’aide à domicile étant en effet des pourvoyeuses d’emploi dans la commune ou le canton,
- Le CLIC est partenaire et n’a aucune mission de contrôle sur les services à domicile,
- Le CLIC travaille quotidiennement avec les services à domicile et donc, sans les services à domicile comme partenaires, les CLIC n’ont plus lieu d’être,
Concernant les personnes qualifiées
Pour répondre aux questionnements des personnes aidées voire pour servir de médiateur, a été mise en place la liste des personnes qualifiées. Ainsi l’article L.311-5 du Code de l’action sociale et des familles dispose que « Toute personne prise en charge par un établissement ou un service social ou médico-social ou son représentant légal peut faire appel, en vue de l’aider à faire valoir ses droits, à une personne qualifiée qu’elle choisit sur une liste établie conjointement par le représentant de l’État dans le département, le directeur général de l’agence régional de santé, et le président du conseil général. La personne qualifiée rend compte de ses interventions aux autorités chargées du contrôle des établissements ou services concernés, à l’intéressé ou à son représentant légal dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
En outre la circulaire n° 138 DGAS du 24 mars 2004 relative à la mise en place du livret d’accueil prévu à l’article L311-4 du code de l’action sociale et des familles dispose que le livret d’accueil doit contenir « la liste des personnes qualifiées remplissant la mission mentionnée à l’article L 311-5, les modalités pratiques de leur saisine et les numéros d’appel des services d’accueil et d’écoute téléphonique, adaptés aux besoins de prise en charge, ainsi que le cas échéant, les coordonnées de l’autorité judiciaire à l’origine de la mesure éducative dont bénéficie l’usager ».
Or, qui, parmi les personnes aidées connaît cette liste, lorsqu’elle existe ? Dans certains départements elle n’est plus à jour et est donc, parfois, en cours de « refonte ». Le souci est que les acteurs du social et médico social ne sont pas soit informés qu’il faut intégrer la liste dans le livret d’accueil, soit pensent que cette liste est actuellement à jour, soit encore ajoutent d’autres personnes dans cette liste tout en en supprimant certaines…
Mais, même si la liste existe, elle n’est pas obligatoirement dans les livrets d’accueil, et rarement il est expliqué sa fonction. En outre, en consultant des listes, nous nous apercevons qu’il y a des abréviations (CLIC, CODERPA) et qu’aucun numéro de téléphone, mail ou adresse postale ne s’y trouve! Qui connaît les CODERPA parmi les personnes aidées ?
Il faut savoir aussi que le fait d’avoir, parmi les membres de la liste, des coordonnatrices de CLIC, pose questionnement, sans vouloir mettre en doute leur intégrité et leur professionnalisme. Les personnes qualifiées peuvent intervenir à la demande d’un usager du CLIC, puisque celui-ci est un service social médico-social au sens de la loi 2002-2 ! Par conséquent, on valide le fait qu’une personne qualifiée peut être juge et partie…Mais cela est aussi valable pour les autres membres de la liste puisque nous avons des membres d’associations de personnes handicapées, de services à domicile, etc.
Pour information
Dans les départements suivantes, la liste n’existe pas ou plus ou est en refonte : l’Ain (01), les Alpes Maritimes (06), l’Aveyron (12), les Côtes d’Armor (22), l’Eure (27), l’Isère (38), la Loire (42), le Morbihan (56), l’Orne (61), le Puy-de-Dôme (63), les Pyrénées Atlantiques (64), le Bas-Rhin (67), la Sarthe (72), le Val de Marne (94), la Guadeloupe (971), etc.
Selon une première estimation, les départements ayant une liste de personnes qualifiées constituent une minorité.
Proposition
Comme nous pouvons le constater le système des listes de personnes qualifiées semble rencontrer des difficultés. Nous constatons l’absence importante de listes dans les départements, ainsi que le peu d’information sur cette liste, des obligations liées à elle pour les services à domicile. Nous regrettons par ailleurs qu’il n’y ait aucun texte pour cadrer les nominations en évitant notamment les conflits d’intérêt.
C’est pourquoi il serait peut-être pertinent, nous semble-t-il, de revoir purement et simplement le principe de la liste des personnes qualifiées. Ne serait-il pas pertinent de revoir le rôle des CLIC, qui sont de plus en plus souvent intégrés dans les services du conseil général, et de mettre en place un MEDIATEUR répondant à certains critères au sein des équipes CLIC du département ? Il devrait ainsi :
- Présenter des garanties de moralité, de neutralité et d’indépendance, c’est-à-dire ne pas être client, salarié, bénévole, administrateur ou gérant d’un service à domicile ou même d’un CCAS gérant un service à domicile, ainsi que proche de près ou de loin avec un opérateur de téléassistance,
- Œuvrer dans le domaine de l’action sociale ou médico sociale ou présenter des compétences en matière de connaissances des droits sociaux;
- Être tenu à une obligation de discrétion à l’égard des informations dont il rend compte,
- Être en relation direct avec les services de l’ARS et du conseil général,
- Être nommé par le préfet et le président du conseil général
Son rôle serait de :
- Accueillir la personne et l’écouter. Peut-être est ce une réaction de rejet de la personne âgée d’avoir une personne « étrangère » chez elle, ou le fait que la personne considère que faire appelle à un service d’aide est une perte d’autonomie.
- Si conflit il y a, étudier avec elle sa situation,
- Contacter le service d’aide à domicile ou le service de téléassistance référent dans le département, voire les autres acteurs du secteur social et médico social,
- Aider les personnes à résoudre un conflit de manière amiable avant tout avec le service à domicile en amenant la personne âgée et un représentant du service à domicile à confronter leurs points de vue, le médiateur leur permettra de trouver une solution entre la personne et le SAAD,
- Prendre les mesures nécessaires en cas de maltraitance éventuelle.
Pour cela les moyens de mener à bien pour le médiateur pourraient être les suivants :
- Ce médiateur devrait bénéficier
- d’une couverture médiatique importante pour que les personnes âgées et les proches soient informés de son existence,
- Un numéro gratuit
- Une permanence
Bien évidemment cet article n’est qu’une proposition et je propose au lecteur de me faire part de ses remarques et suggestions
Laurent Giroux
Consultant – Evaluateur externe
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